A force de réfléchir à l’écologie politique, à ce qu’elle représente, aux espoirs qu’elle porte et aux craintes qu’elle suscite, on finit par tomber dans les vieux travers de l’étymologie. Car quitte à réfléchir sur un concept, autant savoir d’où il sort et pour cela, il suffit d’ouvrir les pages d’un dictionnaire. Comme souvent, une solide définition donne de solides bases à une réflexion concrète.
L’écologie est, au sens strict, une discipline qui étudie les relations des êtres vivants avec leur environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants. On pourrait presque parler de « sociologie scientifique », tant le concept désigne une action de simple observation. Cela peut sembler assez étrange lorsque l’on parle de politique, car on évoque assez rarement la notion d’observation. Même si l’observation est une donnée primordiale (c’est en effet par elle que l’on se trouve à même d’apporter des solutions aux problèmes immédiats), elle est une notion passive. L’observation, ce n’est pas l’action.
Mais il suffisait d’aller lire la ligne du dessous.
Car l’écologisme, lui, désigne une « position dominée par le souci de protéger la nature et l’homme lui-même contre les pollutions, altérations et destructions diverses issues de l’activité des sociétés industrielles. » Contrairement à l’écologie, l’écologisme propose une notion d’action qui sied beaucoup plus à la vie politique.
Dans l’écologisme, on trouve la notion de destruction. Celle de l’environnement, bien sûr, mais plus généralement, celle des acquis. A travers elle, on voit pointer la possibilité de réparation de la destruction. Et c’est là que se situe la véritable définition de l’écologie politique, savant mélange d’observation (et donc de constatation que notre environnement s’est transmuté, a été altéré) et de velléité d’action, indispensable à toute volonté politique concrète et responsable.
L’écologie politique se doit à elle-même deux choses précises : d’abord la protection, et ensuite la réparation des choses détruites. Si nous appliquons à la vie civile, sociale, professionnelle, les principes que nous souhaitons appliquer à la protection de l’environnement, alors l’écologie politique est sur la bonne voie.
L’écologie politique se doit d’aller là où les écarts se sont creusés. Là où les différences sont nivelées par le bas, là où la survie et l’adaptation ont remplacé le bien-vivre et l’harmonie. Là où la vie en entreprise devient trop dure, là où se crée la souffrance. En tant qu’êtres sensibles, nous devons chercher à bâtir une société de moindre souffrance. L’écologie politique, en somme, doit être la recherche du système qui crée le moins de souffrance et d’inégalité possible. Nous sommes, en fin de compte, des animaux qui cherchent à souffrir le moins possible. C’est une revendication tout à fait honorable. Et nous avons par le passé beaucoup trop pensé pouvoir remplacer l’homme par le marché, ou par le productivisme. Le marché ne souffre pas : il n’y a que les animaux, humains ou non, qui souffrent. Faut-il que nous soyons aveugles et sourds pour oublier que nos sociétés doivent être au service des hommes, et non pas de leur économie ? Nous sommes la société ; et nous sommes soumis à la souffrance. Tout doit donc être mis en œuvre pour pallier à cette souffrance. L’écologie politique doit être une politique au service du vivant.
La réparation des méfaits effectués est une tâche de longue haleine, à n’en pas douter. Il s’agit avant tout d’une réparation des esprits malades, handicapés par un discours mille fois rabâché : celui qui dit que nous ne pouvons rien faire, que face aux masses cyclopéennes d’un mode de vie uniformisé et mondial, nous ne pouvons plus rien. C’est là que l’écologie politique agit, entre en scène. Nous ne devons plus laisser les choses couler sur nous, comme si elles n’existaient pas. Il faut nous réimpliquer, tous.
Des dégâts ont été commis, la chose est certaine. Mais ils ne sont peut-être pas irréparables.
Julien SIMON