Action Critique Médias
1. Envisagez-vous de mettre un terme à l’appropriation des médias par des groupes dépendants de marchés publics ? Si tel est le cas, comment pensez-vous procéder ? Plus généralement, envisagez-vous de limiter les concentrations dans le secteur des médias ? Quelles sont les dispositions législatives que vous proposez ? Selon quels critères seraient fixés les seuils de concentration autorisés ?
1. Sans exagérer ou chercher à lancer une polémique, l’audiovisuel public actuellement semble aussi dépendant des « pouvoirs » économiques et politiques que du temps de l’ORTF. La loi sur la protection des sources est bafouée au plus haut niveau, des pressions politiques sont exercées sur les journalistes et les éditeurs de presse, les dirigeants de l’audiovisuel public continuent d’être nommés par le Président de la République, etc. La télévision publique redevient une sorte de « télévision d’État » tandis que ses ressources sont bridées en même temps au profit du privé (redevance bloquée, suppression de la publicité, développement de partenariats privés parfois exigeants sur les contenus).
Les médias privés, qu’ils soient audiovisuels ou écrits, voient leur capital se concentrer entre les mains d’un nombre de plus en plus réduit d’actionnaires ou entrent sous la coupe de puissants groupes financiers ou industriels, qui ont obtenu que leurs cahiers des charges soient moins contraignants vis-à-vis de la production d’œuvres originales.
Le métier de journaliste quant à lui est de plus en plus difficile à exercer. Les pressions par l’éditeur ou des lobbies sont exercées sur les rédactions. Dans le même temps, le plus grand nombre se précarise et les conditions de travail se dégradent.
Il y a donc urgence à rétablir l’indépendance des médias et à permettre l’exercice du métier de journaliste en toute liberté. C’est pourquoi nous écologistes sommes favorables à une réforme du financement de l’audiovisuel public et de sa gouvernance. Il s’agit d’éviter autant que possible les grandes concentrations dans le secteur stratégique des médias à l’heure de l’information en continue et des nouvelles technologies. Par exemple toute société détenant au-delà d’un certain seuil du capital d’une entreprise de presse devrait pouvoir être exclue du droit de répondre à un marché public.
Donc une grande loi garantissant l’indépendance des médias, la liberté des journalistes et la protection du secret de leurs sources me semble nécessaire dès la première année de mandat, suite à des Etats généraux de la profession (syndicats de journalistes et éditeurs de presse, audiovisuel et internet) que nous souhaiterions tenir très vite pour formuler des propositions relatives aux évolutions du métier, au statut et à la rémunération des journalistes, en lien permanent avec les acteurs du secteur. Notre idée générale, c’est « Sortir l’audiovisuel des petits arrangements entre amis » en commençant par restaurer une vraie Démocratie dans l’audiovisuel !
2. Alors que le groupe Bouygues n’a pas respecté les engagements pris lors de la privatisation de TF1, il a bénéficié d’une reconduction de la concession jusqu’en 2022. Envisagez-vous de revenir non seulement sur cette concession, mais aussi sur sa date d’expiration ? Envisagez-vous de revenir sur la privatisation de TF1? Selon quelles modalités ?
Oui j’envisage donc de revenir sur cette concession de TF1 au profit du groupe Bouygues, dont le numéro un Martin Bouygues est, on le sait, très proche de l’actuel président. On ne peut admettre ce mélange des genres de l’appropriation par un des géants mondiaux du BTP de la principale chaine audiovisuelle française, qui a parfois entrainé des aberrations. Je pense par exemple à une interview flagorneuse du défunt dictateur turkmène Separmourad Nyazov sur TF1 alors qu’il était boycotté par l’ensemble de la communauté internationale au prétexte que Bouygues était en affaires avec lui. Cela se passait en 1996 mais ça n’a pas beaucoup changé depuis. Quand, il y a quelques semaines, le Canard Enchaîné a dévoilé certains soupçons d’arrangements illégaux de cadres de Bouygues au sujet de l’appel d’offres sur la construction du futur « Pentagone » à la française, TF1 ne s’est pas vraiment fait le relai de cette information pourtant essentiel pour l’intérêt général, puisqu’il s’agit de dizaines de milliards d’euros d’argent public. Ce n’est donc pas tant de revenir sur la privatisation de TF1 que de garantir une gestion transparente, saine et en adéquation avec la liberté de la presse, c’est à dire en empêchant que des intérêts économiques ou financiers puissent venir entraver le travail des journalistes et l’information des citoyens. Un nouvel appel d’offre devrait donc être lancé pour TF1, en lien avec bien entendu l’ensemble des journalistes et des professionnels de la chaine qui sont bien souvent les premiers à souffrir de cette image de soumission aux puissances de l’argent.
3. Un service public de l’information et de la culture est-il compatible avec le financement et le périmètre actuels du secteur public, ainsi qu’avec et avec la marginalisation des médias associatifs et coopératifs ? Comment comptez-vous assurer son existence et son développement ?
3. En effet, le financement et le périmètre actuels du secteur public ne garantissent pas un service public de l’information et de la culture ambitieux et digne de notre pays. Il convient donc tout d’abord de redéfinir le rôle et les missions du CSA. Il faut d’abord que le CSA, (dont les attributions, les moyens humains et financiers, comme le nom doivent évoluer, pour que ses missions soient intégralement remplies) soit une vraie instance démocratique. L’instance doit être dirigée par une représentation des élus, des professionnels et des usagers, chacun de ces corps choisissant ses représentants. Le président et son exécutif sont choisis par l’assemblée ainsi constituée et l’instance est rigoureusement indépendante du pouvoir politique. Elle doit se voir réintégrée et confirmée dans les pouvoirs qui étaient les siens, à savoir notamment la nomination du président des entreprises et instances de Service public (chaines de télévision, radio, CNC…), et doit bénéficier de nouveaux pouvoirs en matière d’élaboration et de respect des cahiers des charges, disposer des outils de sanction positive et négative (bonus, malus) pouvant aller jusqu’à l’attribution, la réattribution ou la suspension des licences d’exploitation. Le CSA doit étendre son champ d’action, en tenant compte notamment de l’évolution des medias et des télécoms, regrouper les instances pertinentes de régulation concernées par les sujets de la diffusion au sens large. Exemple : Création d’un organe de coordination entre le CSA et l’ARCEP (organisme de régulation télécom et poste, à réformer lui même sur le modèle du CSA), doté d’un véritable pouvoir de régulation sur les opérateurs, accompagnant les évolutions technologiques, et évoluant lui même jusqu’à une fusion éventuelle.
Le CSA doit enfin rendre des comptes aux Parlements sur sa gestion et ses décisions.
Il faut parallèlement garantir un soutien à l’audiovisuel public, renforcer ces collaborations avec d’autres services publics (éducation, emploi, santé, etc.), définir une charte de déontologie en cas de conflit d’intérêt pour les animateurs-producteurs dans le service public : aide à l’investissement dans les nouvelles technologies pour diversifier les accès aux contenus et aux écrans ou encore éducation des jeunes publics aux usages de l’internet et à la lecture de l’information. Dans chaque entreprise de presse, une Association de journalistes et/ou une société des rédacteurs, doit être constituée selon des modalités à préciser par la loi (élections sur le modèle des élections professionnelles). Il convient également de préserver l’Agence France Presse dans son indépendance à l’égard des pouvoirs politiques et économiques en garantissant son statut, tel que défini dans la loi de 1957. Enfin, les médias associatifs et collaboratifs qui se développent très rapidement, notamment par le biais d’Internet, doivent pouvoir être soutenus par les pouvoirs publics, car l’assurance du pluralisme est essentielle dans ce secteur. Ce serait une des principales discussions à aborder dans le cadre d’Etats généraux de la presse et du journalisme.