1. Si vous êtes élu à la Présidence de la république, serez vous d’accord pour soutenir notre demande aux Etats de faire le bilan des 20 ans de la politique internationale de la gestion de l’eau lors de la conférence de RIO+ 20 afin d’évaluer les impacts à long terme de sa gestion économique et de mettre en avant la nécessité d’une gestion démocratique et intégrée ?
Rio + 20, contrairement au forum mondial de l’eau, est un événement qui émane des Nations Unies, qui est donc légitime au plan international. Ces conférences doivent servir à faire avancer les choses, permettre une vraie coopération entre les Etats, obtenir des engagements concrets pour préserver et protéger les biens communs de l’humanité comme la biodiversité et l’eau.
Pour autant, je n’ai pas une confiance aveugle dans la capacité des Etats à se mettre d’accord lors de ces grandes réunions. L’échec de Copenhague a laissé des traces importantes, on en paye encore les conséquences comme la démobilisation des opinions publiques, pourtant si importantes. Le plus grave pour moi, c’est l’absence de volonté politique, l’attitude d’ « après moi, le déluge » des puissants. Le problème c’est qu’en attendant, ce sont toujours les mêmes qui souffrent, qui payent au quotidien l’inaction des Etats.
L’agenda de Rio + 20 me fait un peu peur. On parle beaucoup d’économie verte, sans vraiment la définir. S’il s’agit de réguler la nature selon les mêmes principes que l’économie capitaliste, on va droit dans le mur. Sur l’eau d’ailleurs, certains n’hésitent plus à parler « d’économie bleue » et la financiarisation de la ressource est le nouveau combat de certains acteurs. Les grandes multinationales de l’eau n’y sont évidemment pas pour rien.
Donc il faut d’abord se poser la question fondamentale de savoir comment l’on considère l’eau : est-ce avant tout l’or bleu, nécessaire à l’activité économique et à la croissance, source de toute les convoitises ? ou au contraire, est-ce avant tout un bien commun de l’humanité, essentiel pour la vie sur terre de tous les êtres vivants ? Je penche évidemment pour la deuxième définition. C’est pour cela que nous soutenons la reconnaissance de l’eau comme patrimoine commun de l’humanité et la garantie de l’accès à l’eau potable.
Je soutiens bien entendu votre proposition, car si un tel bilan était fait, je pense que les conclusions que l’on devrait en tirer seraient évidentes : penser une nouvelle gestion de la ressource, au niveau local, national et international, qui tienne compte des différents usages de la ressource. Une gestion responsable, efficace, solidaire et durable des ressources hydriques nécessite au contraire une vision à long terme, une approche patrimoniale, une coopération avec d’autres secteurs de la société (agriculture, industrie,…) et un contrôle démocratique caractérisé par la participation active des citoyens et le rôle renforcé des usagers dans la gouvernance.
2. Nous exigeons la création d’un cadre permettant l’élaboration d’une politique mondiale de l’eau, le Conseil Mondial de l’Eau n’ayant pas la légitimité pour le faire. Ce cadre devra interdire la marchandisation et la financiarisation de l’eau. Comment pouvez vous nous aider à dissoudre le Conseil Mondial de l’Eau et à faire émerger une nouvelle instance international pour l’eau ?
Tout d’abord je partage votre perception du conseil mondial de l’eau (CME). Il n’est pas normal qu’une instance d’origine privée, fondée par les deux plus grandes entreprises du secteur, qui ont évidemment mille intérêts économiques liés à l’eau, se présente comme une institution légitime et prétende élaborer la politique mondiale de l’eau.
Je pense qu’il est essentiel qu’une nouvelle instance internationale voie le jour. Quelque soit le nom qu’on lui donnera, cette future autorité mondiale de l’eau devra être indépendante, et intégrée au Nations Unies. Quand je dis « indépendante », j’entends également sur le plan de ses ressources. Il est hors de question qu’elle soit financée par les grandes multinationales, cela reviendrait à déplacer le problème, tout en lui conférant une véritable légitimité du fait de son lien avec les nations unies.
Enfin, sans présager de l’avenir, je pense que le choix de l’implantation géographique du siège de cette future organisation sera très important : après Marseille pour le conseil mondial de l’eau, ville symbole de la privatisation de l’eau par les deux grands groupes, je proposerai soit une capitale en Afrique, où l’accès à où il y a encore tant à faire pour garantir le droit d’accès à l’eau pour tous, ou une ville en Amérique du Sud, comme par exemple Cochabamba, ville symbole du refus de la privatisation de l’eau.
Après, la question essentielle qui se pose, c’est évidemment le « comment ». Dans la mesure où le droit à l’eau est reconnu par les Nations Unies comme un droit fondamental de l’homme il existe une responsabilité collective au plan international. On en revient toujours à la question de la volonté politique. Et là dessus, il n’y a pas de solution miracle. Il faut prendre notre bâton de pèlerin, et convaincre, convaincre et encore convaincre de la nécessité de cette nouvelle instance. A commencer par nos partenaires européens, car nous devons porter une position commune.
3. Même s’il existe en Europe des formes variées de gestion de l‘eau potable et de l’assainissement par la puissance publique, la ressource également très diversement accessible sur le territoire européen, n’échappe pas aux logiques marchandes qui fondent les traités européens. Elle est l’objet de multiples usages, pour l’industrie, l’énergie, l’agriculture, les ménages, les loisirs. L’eau potable et l’assainissement fondent des services. L’eau est un produit qui plus est peut être créé avec des ressources polluées. Que comptez-vous faire pour que l’Europe et les Etats qui la composent définissent une politique de l’eau bâtie sur la notion de ressource indispensable à la vie, solidaire, non marchande et préventive, notamment dans le cadre de la révision de la politique de l’eau et de la directive cadre annoncée par la Commission européenne ?
La récente proposition de la Commission européenne de Directive sur les attributions de contrats vise incidemment à imposer dans les Etats-membres dont les structures le permettent ou qui accordent peu d’importance à la gestion de ce service vital une libéralisation progressive des services de gestion de l’eau.
Profondément attachée à la notion de l’eau comme bien public et son accès facile et à un prix abordable comme un droit fondamental et universel, je défendrais lors des discussions sur cette Directive une gestion publique des ressources hydriques qui ne soit pas soumise aux règles du marché intérieur. Je ferais en sorte que la propriété et la gestion de l’eau et des compagnies de distribution d’eau demeurent publiques, que l’eau ne soit pas une source de profit et que la plus grande transparence soit appliquée dans la tarification de l’eau.
En outre, pleinement consciente qu’une personne sur dix n’aura toujours pas accès l’eau potable en 2015, et que chaque année, dans le monde, des millions d’enfants décèdent faute d’accès à une eau potable et à des services d’assainissement adaptés, et ce malgré l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le Développement, je ferai en sorte que les Etats-Membres adoptent le principe du « 1% solidarité pour l’eau » afin qu’une partie des redevances perçues auprès des usagers des services de l’eau des pays développés soit allouée à la réalisation de projets d’assainissement dans les pays en développement.
4. L’agriculture est une des principales causes de pollution des ressources en eau, voire de prélèvements non soutenables. La PAC n’a pas été en mesure d’inverser la tendance. L’évolution souhaitable et de plus en plus souhaitée par la société et des agriculteurs se heurte à de nombreuses difficultés, sociales, économiques, agronomiques…. Quelles propositions faites –vous et en particulier au niveau européen dans le cadre de la révision en cours de la PAC, pour que la ressource en eau soit au cœur de pratiques agricoles respectueuses de l’homme et de la nature ?
L’agriculture a des impacts très forts sur l’eau, en terme de qualité (pesticides, nitrates, phosphates, antibiotiques) comme de quantité : je pense évidemment à l’irrigation aux périodes les plus sèches de l’année. Elle interfère aussi avec le cycle de l’eau, par la destruction des haies ou le tassement des sols.
Cette situation n’est pas tenable et nous savons que les citoyens, mais aussi un nombre croissant de scientifiques, d’experts et d’agriculteurs partagent ces constats et veulent changer la donne.
Or la réforme de la PAC en cours de négociation est très insuffisante. Elle ne permettra pas de réconcilier eau et agriculture. Le « verdissement » de la PAC promis actuellement tient du cosmétique : les conditions d’attribution des aides devraient être plus fermes (en termes d’allongement des rotations, d’introduction des légumineuses, de mise en place ou d’entretien de zones de compensation écologique…) pour avoir un impact sur les ressources en eau.
Tout mon projet agricole, qu’il s’agisse de la PAC ou des décisions qui peuvent pétré prises au niveau national, consiste à stimuler et accompagner la transition écologique de l’ENSEMBLE de l’agriculture. En agissant à divers niveaux : installation, foncier, gouvernance agricole et para-agricole, soutien de l’Agriculture Biologique et des transitions vers l’agroécologie, recherche, enseignement, fiscalité, politique alimentaire, etc.
Cette transition doit conduire à des exploitations plus petites, diversifiées dans leur activité, à la « déspécialisation » des régions (entre la Bretagne qui souffre d’un élevage excédentaire et le bassin parisien en monoculture céréalière). Cela doit avoir pour effet de diminuer drastiquement son empreinte écologique globale sur l’eau.
Ce projet n’est pas une utopie : là où EELV a les manettes, en région, dans les communes, nous contribuons à mettre en place une agriculture respectant le cycle de l’eau, polluant moins, retenant les sols, restaurant la capacité d’éponges des sols, utilisant des semences plus résistantes, mieux adaptées, cultivant des plantes plus adaptées au climat.
5. Dans le système actuel de gestion de l’eau en France, les usagers citoyens sont marginalisés. Ils sont souvent mal informés et rarement consultés sur des décisions importantes (comme le mode de gestion de l’eau) qui ont des conséquences dans la vie quotidienne (tarif) et qui dépassent par leur durée d’application le mandat des élus. Pourtant l’intérêt des citoyens est très fort pour ce sujet. Le référendum d’initiative populaire qui s’est déroulé en Italie en juin dernier, des exemples analogues à plus petite échelle dans différentes villes européennes montrent l’engagement des citoyens en faveur de l’intérêt général. Que pensez-vous de la proposition de consulter de façon systématique à chaque changement de mode de gestion ou renouvellement de contrat l’ensemble des usagers du territoire concerné ?
L’eau est, pour reprendre les mots de Danielle Mitterrand, « un bien commun du vivant et de l’humanité ». C’est la raison pour laquelle je refuse qu’elle soit traitée comme une vulgaire marchandise. Notre responsabilité, c’est d’en assurer une gestion responsable et durable pour lutter contre toutes les pollutions, d’en assurer une gestion solidaire pour garantir le droit à l’eau pour tous. Notre responsabilité, c’est d’associer les citoyennes et les citoyens, tous les usagers de l’eau à la gestion de l’eau. L’eau est un bien commun, et l’intérêt général ne saurait abandonné à des intérêts privés. Je suis donc très favorable à votre proposition de consulter la population locale à chaque renouvellement de délégation de service public.
6. L’exploitation des gaz de gaz et pétroles de schistes constitue une menace sans précédent contre l’environnement en général et la ressource en eau en particulier, à la fois par les quantités prélevées et par la pollution qui en résulte. Malgré l’opacité entretenue autour des permis et des conditions d’exploitation, elle suscite un profond mouvement de résistance. Jusqu’à présent le gouvernement joue la montre et s’efforce de rendre acceptable l’inacceptable. Seriez-vous prêt à renoncer à cette filière insoutenable ? Et à plaider cette cause auprès de nos partenaires européens ?
La mobilisation contre les gaz de schiste est la plus importante qui ait eu lieu dans notre pays depuis des années. D’ailleurs, ce mouvement ne s’est pas limité à la France, il a été massif dans de nombreux autres pays. Aux Etats-Unis, au Canada, en Pologne, partout où la menace de l’exploitation de cette ressource a surgi, les citoyens se sont mobilisés pour dire non. Non à la fracturation hydraulique, non à la pollution des nappes phréatiques, non aux risques sanitaires évidents qui y sont liés, non à la destruction des paysages, non à l’explosion du trafic routier qui va avec. Non tout simplement à cette aberration écologique et à la fuite en avant.
Finalement, que nous dit la volonté de tant d’entreprises à mettre la main sur ces gaz et huile de schiste ? Que l’appât du gain est toujours le plus fort…. L’exploitation de ces ressources coûte extrêmement cher. Mais la raréfaction des ressources pétrolières dites « conventionnelles » et l’explosion du prix du baril confèrent un intérêt économique aux gaz de schiste, tout comme aux gisements off-shore. Ces calculs laissent évidemment de côté le coût environnemental, sanitaire et social. C’est une manière de maintenir en vie artificiellement le modèle productiviste appelé à disparaître à plus ou moins long terme, une fois toutes les ressources fossiles épuisées et la planète abimée de façon irrémédiable. Tout ca est évidemment à l’opposé du projet des écologistes de transition énergétique, basé sur le développement des énergies renouvelables et non sur le maintien des énergies sales, polluantes et chères.
Pour toutes ces raisons, je suis bien évidemment favorable à l’abandon définitif de cette filière et à l’interdiction pure et simple de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huile de schiste en France, et ce quelque soit la technique utilisée. Il n’y a pas de « méthode propre », contrairement à ce que laissent entendre les entreprises du secteurs et quelques candidats. Je propose donc d’inscrire cette interdiction dans la loi, et d’abroger de façon définitive tous les permis qui ont été accordés par le gouvernement