Ce matin, Jean-Michel Aphatie est avec la candidate EELV à la présidentielle. Eva Joly, jeudi dernier vous avez subitement renoncé à débattre avec Jean-François Copé sur France 2, puis vous avez annulé tous vos autres rendez-vous de campagne, et vous avez disparue. Vous êtes de retour dans votre campagne électorale depuis hier, une interview dans Le Monde, une interview hier soir sur France 2, et ce matin sur RTL. Cette disparition/réapparition était-elle le fruit d’un coup de colère ou d’un calcul tactique ?
Elle était le fruit d’une situation qui pour moi était insupportable. Un coup de colère ; l’accord avait été conclu, et c’est dans la norme, tous les partis politiques concluent des pactes et des compromis, ça je l’acceptais. Mais ce qui était pour moi totalement innaceptable, c’était l’intervention d’Areva dans cet accord, qui obtenait qu’on biffe un paragraphe qui ne leur convenait pas sur la filière du MOX. Comme vous le savez j’ai combattu les lobbys et l’emprise excessive des multinationales depuis au moins quinze ans, et voir que ça se faisait aussi ouvertement, que la réalité de la vie politique, c’était qu’Areva avait l’ambition d’interférer, j’ai trouvé ça absolument insupportable. Je n’ai pas voulu que ma parole puisse être instrumentalisée dans ce débat, et je ne voulais pas non plus intervenir dans ce que j’espérais être les dernières rondes de négociations pour rétablir ce paragraphe. Je n’ai pas pu faire le débat avec monsieur Copé ce jeudi, parce qu’on aurait pas parlé d’éthique en politique, on n’aurait parlé que de l’accord et des problèmes qu’il posait.
À deux reprises hier vous avez dit que l’accord passé entre les Verts et le Parti socialiste ne vous faisait pas rêver. C’est donc un mauvais accord.
Je ne dis pas que c’est un mauvais accord. Je pense que les négociateurs ont fait un travail remarquable pour faire l’accord le meilleur possible dans ces circonstances, mais ça ne veut pas dire qu’il porte tout le programme écologiste. C’est un socle qui fait qu’on peut avoir un groupe de députés lors des élections législatives mais ça ne fait évidemment pas le programme présidentiel.
Donc ça n’est pas un mauvais accord, donc c’est un bon accord.
Non, c’est trop simpliste. Je regrette vraiment que nous ne soyions pas allés au bout de la logique pour dire « nous allons sortir du nucléaire », parce que seule la décision de sortir du nucléaire va permettre la réindustrialisation et de vraiment changer de siècle et partir vers l’énergie renouvelable, qui seule peut assurer notre avenir en toute sécurité, et les emplois qui vont avec.
Donc vous regrettez que l’accord ait été conclu.
Non, c’est un compromis. Nous ne pouvons pas obtenir gain de cause sur tous les points, et cet accord a eu l’intelligence de ne pas camoufler nos désaccords, mais de les acter.
Dépêche AFP hier, 21:11 : « Eva Joly de retour, s’en prend à François Hollande, et irrite dans son parti ». Il y a des citations : « Tout le monde est énervé à la direction d’EELV, elle ne dit pas un mot pour positiver l’accord, en gros elle dit ‘à elle les valeurs, aux autres la tambouille’ ». Vous avez un problème aujourd’hui avec les dirigeants d’EELV ?
J’ai été élue par les militants et tous ceux qui sont venus à notre primaire pour porter notre projet écologique, avec la sortie du nucléaire, avec la République exemplaire, avec la lutte contre le changement climatique, la lutte pour la biodiversité et la justice sociale. Je pense que j’ai l’appui de l’encadrement et des militants pour faire cela. Je suis très consciente que nous sommes dans le même bateau que les socialistes, mais vous admettrez que j’ai le droit d’intervenir sur le cap que nous devons fixer.
Vous avez dit hier que les socialistes étaient « du bois dont on fait les marionnettes ». La formule est drôle, mais est-ce que vous ne faîtes pas le jeu de Nicolas Sarkozy avec de telles formules ?
J’ai dit cela par rapport au fait qu’Areva a pu intervenir et obtenir qu’on change un accord qui était signé. Je regrette qu’ils n’aient pas résisté aux lobbys, alors que les écologistes ont résisté dans notre volonté de sortir du nucléaire. Ce qui m’étonne, c’est que les commentaires des journalistes ne l’ont pas relevé. Tout se passe comme si c’était normal, comme s’il n’y avait que moi que cela indignait.
Les journalistes sont des gens étonnants sans doute, puisqu’ils vous étonnent. Ma question : est-ce que vous ne faîtes pas le jeu de Nicolas Sarkozy avec de telles formules ?
Je pense que les Français ont envie d’un langage de vérité. Ils ont envie d’éthique en politique. J’espère pouvoir porter cela.
À la une du Figaro, « Eva Joly attaque Hollande et le PS »
C’est un très bon journal, mais je n’ai pas eu le temps, comme vous êtes très matinal, de le lire encore.
Mais donc il y a la une du Figaro qui dit que vous attaquez le Parti socialiste.
Mais ça, c’est évidemment leur vision des choses.
Est-ce que vous appellerez, s’il est qualifié pour le second tour, à voter pour François Hollande qui s’est engagé à poursuivre la construction de l’EPR de Flamanville ?
Pour moi, la sortie du nucléaire est une vraie question, c’est une question morale, et industrielle aussi. Il y a tellement de mensonges, tellement d’idéologie autour du nucléaire que je suis au moins contente que le débat du nucléaire soit sur la table. Nous avons toute la période de la préparation pour l’élection présidentielle, pour discuter du nucléaire, et j’ai tout ce temps pour convaincre mes concitoyens que la voie passe par la sortie du nucléaire, et la fermeture de la centrale de Flamanville.
Pouvez-vous répondre à ma question ?
Pas là, non.
Vous ne pouvez pas dire « oui, je vais appeler à voter François Hollande » s’il est qualifié au deuxième tour ?
Je ne me trompe pas d’ennemi. Mon objectif est de battre Nicolas Sarkozy, parce que je pense que le pays ne supporterait pas un deuxième mandat de Nicolas Sarkozy, qui creuse les inégalités et qui oppose les Français les uns aux autres. C’est mon ennemi. Pourquoi ne demandez-vous pas si François Hollande appellerait à voter pour moi ? C’est comme si cette situation ne pouvait pas se produire.
Êtes-vous solidaire des salariés d’Areva qui redoutent un plan social ?
Vous savez, j’ai passé mille jours de ma vie à faire de la restructuration industrielle, à sauver les emplois. J’ai négocié avec la CGT Docker, j’ai obtenu de sauver les emplois à Marseille, et la CGT du nucléaire ne me fait pas peur, et évidemment je travaillerai avec eux pour faire de l’accompagnement. La sortie du nucléaire se fait sur une génération, et à effectifs constants.