Invitée des Quatre Vérités (France 2)

Interview en vidéo :
http://www.pluzz.fr/les-4-verites-2012-01-06-07h45.html

Bonjour Eva Joly, candidate d’EELV à l’élection présidentielle. Une fois encore, vos propos ont surpris le monde politique hier. Pour vos voeux, vous avez souhaité qu’un accord de désistement réciproque au second tour de la présidentielle ait lieu. Un accord entre vous-même, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, et François Bayrou. François Bayrou classé à gauche, ça a surpris même vos amis politiques. Pourquoi ?

J’ai voulu dresser le front du refus. J’ai voulu dire très clairement ce que nous ne voulons plus. Nous ne voulons plus de Nicolas Sarkozy au pouvoir en France. Ça c’est un premier pas. Ensuite évidemment, il faut construire une majorité de projet, et la campagne est là pour cela. Ce sont deux choses différentes. Mais je note que François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon préfèrent rester sur leurs positions acquises, et n’acceptent pas ma proposition.

Effectivement, c’est une fin de non recevoir. Vous persistez néanmoins ? Vous pensez qu’il est possible de concilier Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou, par exemple ?

J’ai pensé qu’il était possible de se mettre d’accord sur ce que nous ne voulons plus, et essayer de construire quelque chose ensemble. Vous savez, c’est plus confortable de rester sur les positions acquises ; finalement, comme ça, rien ne change. Moi je veux vraiment le changement. J’ai pris mes responsabilités. Et je voudrais dire à Jean-Luc Mélenchon qu’il peut se rassurer : j’ai la tête sur mes épaules, mais j’ai pris mes responsabilités.

Où en sont vos rapports avec François Hollande ? C’était un petit peu tendu à la fin de l’année 2011, notamment sur la question du nucléaire, des alliances. Est-ce que vous avez prévu de le rencontrer prochainement ?

Vous savez, nous faisons campagne tous les deux dans un respect mutuel, nos partis ont beaucoup négocié, et cela a abouti à l’accord législatif que vous connaissez. Le moment viendra où nous nous rencontrerons, et nous discuterons.

Ce n’est pas prévu pour l’instant ?

Pour le moment, nous sommes chacun dans notre couloir pour l’élection.

Il y a une question qui fâche entre vous, c’est celle du nucléaire. On sait que François Hollande a promis de réduire la part du nucléaire dans l’électricité française à 50 %. Or, il se murmure que dans son programme, il pourrait finalement décider de ne fermer que quelques réacteurs au cours de son éventuel quinquennat. On a l’impression que les écologistes se sont un peu résignés à accepter ce compromis nucléaire. Est-ce votre cas ?

Pour moi, la sortie du nucléaire est une obligatoire ardente, une obligation morale. Comment, en tant qu’homme et femme politiques, pouvons-nous continuer comme si de rien n’était, alors que l’Autorité de sûreté nucléaire de notre pays a souligné tous les défauts et tous les manquements de nos centrales.

En précisant cependant qu’aucune ne devait fermer.

Oui mais c’est un peu comme si vous faisiez réviser votre voiture, et que l’on vous disait que les freins ont un défaut, que le moteur a un défaut, que les amortisseurs ont un défaut, mais que vous pouvez quand même rouler. Je trouve que notre responsabilité est d’autant plus grande que nous le savons maintenant. C’est le mythe de l’infaillibilité et de la sécurité de l’énergie pour pas cher qui s’est effondré avec Fukushima et ce rapport. Aujourd’hui, nous savons qu’il est n’est pas exclu qu’il y ait un accident nucléaire en Europe, ou en France a fortiori. Nous avons un devoir d’agir là-dessus, et donc de fermer les centrales les plus vieilles, les plus exposées, comme Fessenheim par exemple.

Je reviens néanmoins sur ma question : vous parlez de sortie du nucléaire, or pour M. Hollande il n’en est pas question. Il s’agit de baisser la part du nucléaire, et encore une fois il se pourrait que dans son programme les propositions soient bien plus modestes. Donc est-ce que vous acceptez ce compromis ?

La campagne est là pour ça aussi. Dans nos résultats respectifs, on va pouvoir lire le poids des propositions. J’argumente pour une sortie du nucléaire sur une durée de vingt ans ; on commence par les centrales les plus vieilles car je me préoccupe de la santé des Français et cette situation n’est plus acceptable. C’est aussi une situation de coût et de bon sens. Je veux pour mon pays que nous n’investissions pas 50 milliards d’euros dans de vieilles centrales, alors que nous pouvons investir cette même somme dans les énergies renouvelables et créer des emplois.

Et l’argument de l’électricité moins chère grâce au nucléaire ?

Il ne tient plus avec les centrales EPR. Vous savez, nous en sommes maintenant à 6 milliards d’euros pour la construction de Flamanville. D’ores et déjà, le coût du kilowatt-heure produit par un EPR et le même que le kilowatt-heure éolien. Avec les obligations soulignées par l’agence de sécurité, le coût, si l’on fait ces 50 milliards d’euros d’investissements, va encore augmenter. Nous savons aujourd’hui que cela coûte plus cher de rester dans le nucléaire que d’en sortir.

Vous ne parlez pas que d’environnement et d’énergie, loin de là. Vous avez des propositions sociales. Notamment, un conflit fait la une actuellement à SeaFrance, la compagnie de ferries. La compagnie ouvrière, ce n’est pas votre tasse de thé, vous proposez une autre solution.

Ce n’est pas que la coopérative ouvrière n’est pas ma tasse de thé. Je suis très proche de l’économie solidaire et sociale. Simplement, ce n’est pas la panacée universelle. Ce n’est pas parce que vous créez une coopérative que cela va sauver l’entreprise. Pour sauver une entreprise, il y a beaucoup de critères. On ne peut pas demander aux ouvriers de donner leurs indemnités de licenciements et penser que le problème sera réglé.

Donc qu’est-ce que vous préconisez ?

Ce que nous préconisons, c’est d’instaurer d’une manière générale pour les entreprises en difficulté ou celles qui veulent délocaliser, un droit de préférence pour les salariés, c’est-à-dire la possibilité de pouvoir racheter l’entreprise. Nous mettrons en place des fonds qui aideront les salariés dans cette position à acquérir l’entreprise et à continuer l’exploitation.

En 2011, vous avez suscité beaucoup de réactions en préconisant la suppression du défilé militaire du 14 juillet. Aujourd’hui, un autre symbole est à la une, c’est l’hommage rendu à Jeanne d’Arc par le Président de la République qui va se rendre à Domrémy, son village natal pour le six centième anniversaire de sa naissance. Qu’en pensez-vous ? Que pensez-vous de Jeanne d’Arc ?

L’histoire de France est un grand livre, et chacun y puise ce qu’il veut. Je trouve bizarre, alors que nous sommes confrontés à la plus grave crise depuis la Deuxième Guerre mondiale, d’aller chercher l’inspiration dans la figure de Jeanne d’Arc. C’est une personnalité médiévale, c’est la pucelle qui a bouté hors de France les Anglais, et ce n’est pas le symbole que nous cherchons aujourd’hui. Je porte par exemple l’espoir et l’idée que la place de la France soit dans l’Europe, avec les Allemands et les Anglais. Aller chercher un symbole ultra-nationaliste dans la période de crise où nous sommes, pour moi cela ne fait pas sens. Personnellement je me sens plus proche des femmes héroïnes résistantes de la Deuxième Guerre mondiale, que de Jeanne d’Arc. Je voudrais, si l’on cherche l’inspiration, qu’on la trouve auprès de ces femmes par exemple.