Dans l’inconscient collectif, la biodiversité évoque plus les forêts équatoriales que la flore du pied des arbres dans nos villes. Pourtant les écosystèmes qui s’organisent au coeur même des villes suscitent un intérêt croissant chez les citoyens comme chez les scientifiques.
UN NOUVEAU REGARD SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE EN ZONE URBANISEE
La place laissée à la nature dans l’espace urbain à partir du 19ème siècle proposait une nature très domestiquée (alignement d’arbres le long des boulevards, création de parcs). Pendant les trente glorieuses, la surface des espaces verts dans les villes française ne cessera d’augmenter. Mais la gestion rationalisée des parterres de gazons, des haies de thuyas n’ont aucun intérêt pour la biodiversité. A grand renfort de produits phytosanitaires, on cultive une nature qui n’a plus rien de naturel.
L’histoire récente des espaces verts débouchent sur la construction de liens nouveaux entre les gestionnaires et les scientifiques, à mesure que les écologues découvrent la biodiversité urbaine.
Il faut attendre la vague écologique des années 90 pour que les gestionnaires des parcs et des jardins fassent leur révolution et inventent la gestion différenciée qui favorise la flore et la faune spontanée, et développent un effort pédagogique intense à l’égard des citoyens.
La ceinture verte des villes est généralement constituée par les terrains non bâtis où la biodiversité est restée présente, elle fait lien avec le paysage rural environnant. Cette ceinture tend à s’amenuiser au fur et à mesure de l’extension des agglomérations. Les villes hébergent une proportion croissante de la population (depuis 2008 on estime que 50% de l’humanité vit en zone urbanisée , cette proportion devrait atteindre 70% d’ici 2050).
La ville est devenue le lieu privilégié de la sensibilisation des citoyens à la nature.
La ville peut être un enjeu de la conservation de la biodiversité. La mesure phare du Grenelle de l’environnement est l’établissement des « trames vertes urbaines » qui doivent permettre de recréer des corridors naturels nécessaires à la survie de nombreuses espèces animales et végétales.
Plus soucieuse de son environnement, la ville aujourd’hui se veut écologique, les projets d’éco-quartiers ou de villes durables fleurissent partout dans le monde. L’implication des habitants dans la démarche et les échanges avec les scientifiques (pour un inventaire des espèces locales ou des solutions techniques par exemple) représentent deux atouts pour la réussite de ces projets.
Il est nécessaire aujourd’hui de protéger et de favoriser la biodiversité dans les campagnes et dans les villes et de mettre en oeuvre des pratiques respectueuses de cette diversité et des écosystèmes, et réduire à l’avenir les pratiques qui polluent l’air, l’eau et les sols réduisant ainsi le nombres des espèces vivantes animales et végétales, et causant des nuisances certaines pour la santé de l’homme.
FAVORISER UN ENVIRONNEMENT NATUREL DE QUALITE POUR L’HOMME
Il est nécessaire de retrouver les structures tampons dans les paysages autour de nos villes comme les haies, les zones humides et les prairies permanentes car elles restaurent la qualité de l’eau, la végétation spontanée pérenne et la population d’animaux et insectes. Elles sont le lien entre les campagnes et les villes.
Or, ce sont les animaux et les insectes qui permettent aux plantes de se maintenir par la pollinisation et la dispersion des graines.
Retrouver une plus grande variété d’espèces végétales c’est de fait protéger et faire se multiplier le nombres d’animaux qui en sont dépendants, et recréer un environnement plus favorable à la vie de l’homme.
DE NOUVELLES PRATIQUES ET UN NOUVEAU REGARD
Réduire au maximum l’utilisation des produits phytosanitaires et engrais chimiques qui sont les principaux pollueurs des eaux superficielles et souterraines en adoptant la pratique du désherbage thermique, mécanique ou manuel et en utilisant les produits naturels disponibles est un facteur important de la restauration de la qualité de notre environnement.
Le paillage des massifs floraux est un moyen alternatif aux pesticides en ville et dans nos jardins contre les mauvaises herbes envahissantes. Un paillage réalisé avec la récupération du broyage d’élagage local, par exemple, maintient l’humidité des sols, il recrée une vie microbienne et rétablit ainsi leur équilibre naturel.
Changer le regard des citoyens sur les espèces végétales les plus simples dites « mauvaises herbes » permettra de faire accepter l’existence de zones où on les laissera libres de se multiplier comme au pied des arbres dans les villes ou dans des zones de prairies naturelles où poussent des espèces spontanées, adaptées localement et qui ne nécessitent pas de soins particuliers. La nature peut ainsi s’organiser au coeur des parcs et jardins, véritables « garde-manger » ces espaces profitent aux insectes, oiseaux, papillons et pollinisateurs qui se multiplieront en nombre et en espèces. Les fauches tardives permettent à cette végétation de grainer.
Ces espaces rendus à la nature donnent l’occasion pour les habitants d’une promenade à la campagne, en ville.
LA VILLE, CONSERVATOIRE DE LA BIODIVERSITE : SE DONNER LES MOYENS D’Y PARVENIR
Préserver un espace libre près des trottoirs, contre un pavement, c’est permettre la germination de plantes qui s’installeront naturellement pour le plaisir des insectes, araignées et oiseaux.
Maîtriser les plantes invasives est nécessaire comme il est nécessaire de les laisser des bouquets d’orties utiles aux chenilles des papillons dans les espaces naturels de nos villes et de nos jardins.
Remplacer les haies de thuyas (acides et uniformes) par des charmilles sera apprécié des insectes, et c’est toute la chaîne alimentaire qui se restaure pour le bonheur des mésanges par exemple. Or, elles sont de véritables bio-indicateurs de la qualité environnementale à laquelle elles sont très sensibles.
Il est bon de créer des habitats composés de cailloux, de bois morts percés qui pourront accueillir abeilles, araignées et insectes divers.
La préservation des mésanges demande à disposer des nichoirs en ville autant que dans nos jardins. (La ville de Montpellier en a installé 400). La préservation des abeilles nécessite d’installer des plantes mellifères et de poser des ruches municipales sur les toits de bâtiments publics. L’expérience montre que les ruches citadines se portent plutôt bien alors que le nombre d’abeilles en milieu céréalier s’est effondré.
Poser des nichoirs pour les chauve-souris peut se révéler utile dans les villes dont les constructions n’offrent plus beaucoup de refuges naturels.
Les hirondelles apprécient également qu’on leur ménage des lieux où elles pourront accrocher leur nid.
La nature peut aussi reprendre ses droits autour des bâtiments industriels, artisanaux et commerciaux.
Une ancienne surface industrielle, une friche, peut devenir une prairie naturelle où on retrouvera très vite des plantes indigènes et dont l’entretien et le débroussaillage seront confiés à des brouteurs experts comme les lamas qui feront le bonheur des habitants.
LA PEDAGOGIE AUPRES DE LA POPULATION, EFFICACE ET DURABLE !
Ces nouvelles pratiques dans nos villes demandent à éduquer, informer et sensibiliser les habitants et à concevoir des actions pédagogiques. (La mairie de Montreuil reçoit régulièrement des appels concernant le mauvais entretien du pied des arbres où il a été décidé de laisser pousser naturellement pissenlits et autres « mauvaises herbes »…)
Un jardin dans les écoles chaque fois que c’est possible, la transformation d’un espace urbain en refuge de la biodiversité autogéré par les habitants qui auront participé à son élaboration sont des moyens simples qui permettent aux citoyens jeunes et moins jeunes d’intégrer dans leur vie quotidienne les bienfaits de la protection de la biodiversité en milieu urbain et par là-même le respect de la nature en général.
L’information auprès de la population suscite beaucoup d’intérêt, elle reste dans les mémoires et se partage, elle profite à un meilleur comportement des citoyens de façon durable.
Les visites de groupes réalisées dans le quartier de La Défense sont un étonnement pour les parisiens qui y découvrent la biodiversité présente et prouve bien que la ville est un conservatoire de la biodiversité locale qui ne demande qu’un coup de pouce supplémentaire pour gagner en terrain.
DES ARBRES EN VILLE, DES MURS OU DES TOITS VEGETALISES POUR LE BIEN ETRE DE L’HOMME
Si les arbres en ville procurent à la faune sauvage des abris précieux, ils ont bien d’autres qualités. En effet, ils capturent le dioxyde de carbone et renouvellent notre apport d’oxygène quotidiennement. Un arbre en bonne santé est un véritable filtre à air, il peut capter 7000 particules en suspension par litre d’air (poussière et pollution ).
Les arbres abaissent la température de l’air en faisant évaporer l’eau contenue dans les feuilles. L’ombre qu’ils projettent permet d’abaisser de 20 degrés la température des immeubles.
Végétaliser des murs, des toits, permet la formation de petits écosystèmes, c’est une solution pour répondre au manque d’espace disponible en ville. De plus cela permet de récupérer les eaux de pluies. (La ville de Boston a choisi de recourir aux façades végétalisées pour faire face au risque de pénurie d’eau).
DES SOLS QUI RESPIRENT POUR UNE MEILLEURE GESTION DES EAUX
L’imperméabilisation des sols en milieu urbain (voieries, parkings, constructions, zones d’activités …) est un problème à prendre en compte aujourd’hui et pour laquelle il existe des alternatives.
Créer des zones perméables rend aux sols une grande partie des leurs fonctions d’origine comme l’infiltration, la filtration et l’oxygénation. Elles apportent des bénéfices considérables car les micro-organismes du sol ont la capacité d’épurer certains de nos polluants et donc de « nettoyer » les eaux de ruissellement.
On peut prévoir de couvrir une allée ou un parking de dalles engazonnées et de passe-pieds en dalles pavées. Sur ces surfaces devenues perméables, une végétation spécifique s’installe naturellement et accueille une microfaune d’insectes, d’escargots, et d’araignées.
Pour la réalisation de voies vertes (piétons, cyclistes, rollers, personnes à mobilité réduite, sportifs ) il existe de nombreuses possibilités de revêtements perméables comme le bois, les sables compactés, les graviers choisis en fonction de l’usage et du lieu pour une bonne intégration dans l’environnement traversé.
En conclusion cette perméabilité des sols permet aux eaux de pluies de s’infiltrer et ne pas gonfler le réseau d’assainissement. De plus les eaux tombées directement sur les zones perméables ne ruissellent pas et ne se chargent pas en polluants.
Plus humides, ces surfaces créent un îlot thermique (évapo-transpiration) qui améliore le confort urbain.
L’écoulement doux permet au système végétal et au sol traversé de dépolluer en partie les eaux de ruissellement avant leur arrivée aux rivières et aux nappes souterraines.
Les fossés ouverts, peu profonds, en pentes douces et d’emprise large (les noues) servent à la rétention et/ou l’infiltration des eaux pluviales. Elles ont une vocation paysagère avec la possibilité d’être végétalisées par des espèces comme les joncs et les iris jaunes qui absorbent ou dégradent les pollutions. Elles accueillent des amphibiens, des papillons.
LA BIODIVERSITE EN VILLE, UN ATOUT MAJEUR POUR LES CITADINS
On le voit, il existe de nombreux arguments au développement de la part des surfaces végétales dans la ville. Espaces verts, mais aussi toits et murs végétalisés, trames vertes et corridors sont autant de réalisations qui apportent un grand bénéfice au citadins, pas seulement au niveau de la biodiversité dont la ville peut être le conservatoire, mais aussi pour une meilleure gestion du cycle de l’eau et une thermique améliorée.
Chantal Sergeant