En matière d’écologie comme d’immigration, Marine Le Pen fait appel en permanence au « bon sens » pour légitimer ses constats et ses remèdes. Elle entend répondre aux politiques publiques jugés absurdes et embrouillées des « technocrates ». Ainsi le programme du Front national se revendique plus écolo que les écolos mais réduit l’écologie à une gestion du patrimoine paysager, qui consiste à laisser la place aussi propre en partant qu’on ne l’a trouvée en naissant.
La défense du patrimoine naturel
Au terme « biodiversité », le FN préfère celui de « patrimoine naturel », ce qui résume bien toute l’opposition conceptuelle entre l’idéologie frontiste et l’écologie politique. Pour le FN : « le respect des lois de la nature […] participent de la défense de l’identité nationale » (programme 2012). Bref, si un arbre doit être protégé, c’est avant tout parce qu’il est Français.
Alors que la nature ne connaît pas de frontières et que le métissage y est la règle, le FN entend au contraire la segmenter artificiellement et la rendre statique : on exalte la grandeur de nos montagnes, la beauté de nos paysages ruraux, la finesse de nos côtes. La logique frontiste ignore donc que ces paysages sont par essence éphémères et qu’ils sont un bien commun de l’humanité : préserver la biodiversité ça n’est pas figer la nature, c’est au contraire maintenir les conditions pour qu’elle puisse se renouveler, se recréer, et nous surprendre.
Le flou du programme : l’exemple de l’énergie
Il ne faut pas creuser longtemps le programme du Front national pour voir que l’écologie n’y est qu’un vernis très superficiel.
Sur l’énergie, le programme annonce l’objectif d’une sortie à terme du nucléaire, sans aucune indication sur l’échéance et la transition. Dans le même temps, sur les énergies renouvelables, le FN indique que « l’objectif est de couvrir à terme 10 à 15% de nos besoins énergétiques ». A terme ? Quand on sait que l’hydraulique, l’éolien, le photovoltaïque et la biomasse représentaient déjà 12,9% de la consommation finale d’énergie en 2010, et que la loi fixe comme objectif de parvenir à 23% en 2020, on s’interroge. Ce qui est présenté comme un objectif raisonnable, de « bon sens », est en réalité une régression brutale.
Le grand écart électoraliste : l’exemple de la dignité animale
On le voit, le débat de fond intéresse peu le Front national qui se complait dans l’énumération de propositions vagues propres à agréger des électorats potentiels sur leurs candidats. Il est vain de chercher une cohérence dans ce discours qui ne vise qu’à atteindre un certain nombre de cibles électoralistes. La thématique de la souffrance animale est en un bel exemple.
D’un côté, Marine le Pen entend défendre mieux que quiconque la dignité animale, forte du soutien de Brigitte Bardot. De l’autre on peut lire dans un communiqué de son « conseiller politique à la Chasse », Guillaume Vouzellaud : « Pour le renouveau de la chasse populaire, le 22 avril, chasseurs défendez-vous, votez Marine ! ». Mieux, un tract de mars 2012 s’adresse spécifiquement aux chasseurs, et énonce : « [la chasse] permet de faire vivre dans la nature les valeurs de la tradition, du patrimoine, de l’écologie, de la liberté et de la responsabilité », dénonçant au passage « l’ukase des écolos » sur la chasse.
Ce qui intéresse Marine le Pen chez l’animal, ça n’est pas l’entassement dans des hangars hors sol, pas plus que la chasse qui décime certaines espèces. Non, son intérêt se porte sur l’abattage, et plus particulièrement l’abattage rituel qualifié de barbare. Bref, le FN ne se préoccupe pas le moins du monde de réduire la souffrance animale mais cherche par ce thème à associer les musulmans à des tortionnaires d’animaux.
L’insoluble équation du Front national : l’exemple de l’artificialisation des sols
Le FN souhaite donc réduire la souffrance animale en développant la chasse, sortir du nucléaire avec 15% d’énergies renouvelables. Plus généralement, les militants frontistes jonglent entre protection d’un patrimoine naturel magnifié et croissance économique soutenue par une énergie abondante et des règles environnementales assouplies. Tout cela ressemble à la quadrature du cercle.
Dans un entretien au site internet Campagne en Nord, Eric Dillies, conseil régional Nord Pas de Calais et secrétaire fédéral du FN de Flandre Métropole décrit la journée type d’un citoyen qui vivrait sous la présidence de Marine Le Pen. Outre le cauchemar que cela représente pour quiconque est attaché à la liberté, l’entretien illustre des propositions contradictoires du programme du Front national, que l’on peut répartir en deux catégories :
Propositions écolos | Propositions démagos |
– Une agriculture intégralement bio.
– Une production locale pour une consommation locale.
– La préservation des paysages (patrimoine naturel). |
– La baisse de la TIPP, et donc l’augmentation de la consommation de pétrole.- La construction de nouvelles routes pour réduire les embouteillages.- La destruction des « cités » remplacés par des pavillons de deux étages maximum.- La construction de dix grandes villes à 150 kilomètres de Paris pour désengorger la capitale.- La relance démographique par une politique nataliste : au 5e enfant, la maison est offerte. |
Or aujourd’hui, avec une démographie maitrisée et un habitat urbain parfois très dense, 600 km² (la superficie de Lille Métropole) sont artificialisés chaque année en France, et donc pris aux terres agricoles et aux espaces naturels pour devenir des lotissements, des routes, des zones artisanales ou commerciales, etc. Et la progression des surfaces artificialisées est 4 fois plus rapide que la croissance démographique. A ce rythme, la France sera recouverte de bitume en 2500.
Le FN est donc pris en pleine crise schizophrénique : d’un côté le soutien à une démographie galopante que l’on étale sur le territoire (refus de l’habitat collectif) en toujours plus de lotissements, entourés de toujours plus de routes ; de l’autre de plus en plus de bouches à nourrir, mais en bio français, donc nécessitant d’au moins préserver les espaces agricoles existants. On ose à peine aborder la préservation du patrimoine naturel après ça.
Peut-être la solution du FN serait-elle de raser les 29% de forêts que compte la France métropolitaine ? C’est sûrement dans cette logique que le groupe Front national s’oppose au Conseil régional Nord Pas de Calais au Plan Forêt porté par Emmanuel Cau. On pouvait lire dans leur communiqué du 16 février 2011 : « Les résultats seront de toute manière lamentables, puisqu’une fois plantées les nouvelles forêts, on ne tardera certainement pas à les raser pour construire de nouvelles zones pavillonnaires ». Le double langage a de l’avenir.
Le discours écologiste du Marine Le Pen est donc une vaste supercherie. Comme le dit à juste titre Erwan Lecoeur : « Elle met du vert sur du marron, et cela donne un motif militaire ».
Laurent Ozon, l’idéologue écolo du FN
Cette volonté de verdir le discours frontiste vient d’un homme, Laurent Ozon, propulsé au bureau politique (l’instance de direction du FN) lors du Congrès de Tours (janvier 2011) sur la seule volonté de Marine Le Pen. Laurent Ozon se dit écologiste, mais version néo-droitière. Il appartient d’ailleurs au courant identitaire de l’extrême-droite dont le projet politique repose sur le triptyque « langue – sol – sang ».
Laurent Ozon faisait partie des experts que le FN souhaite mettre en avant pour crédibiliser son image. Faisait, car son passage aura été fulgurant, puisqu’il a du démissionner le 14 août 2012, un mois après avoir écrit sur son compte twitter au sujet des attentats d’Oslo : « Expliquer le drame d’Oslo : de 1970 à 200, x58 d’immigrés d’origine afro-orientale. Vers la guerre civile ? ». Encore une fois, le FN est tiraillé entre la quête d’une respectabilité et des déclarations sulfureuses. Le passage de Laurent Ozon au Front national aura été fulgurant.
Quand Marine Le Pen confond OGM et hybride
Rarement une délibération du Conseil régional n’aura autant défrayé la chronique. Le 31 janvier 2011, Marine Le Pen attaquait Jean-Louis Robillard, vice-président EELV en charge de l’agriculture, l’alimentation et la ruralité, sur les endives rouges, accusant la majorité de subventionner discrètement des OGM. Les écologistes du Nord Pas de Calais seraient donc à la solde de Monsanto, promoteur du gène Terminator ?
Rassurez-vous, la région Nord Pas de Calais est résolument engagée contre les OGM. Les endives rouges sont une espèce hybride, en l’occurrence un croisement entre chicorée rouge et endive. Les hybrides ne sont pas des OGM, à moins que le FN nous démontre qu’un mulet, hybride stérile engendré depuis des siècles par un âne et une jument, est un OGM. La logique de Marine Le Pen est toujours la même : faire peur, distiller le doute et créer des amalgames.
Quand le FN défend la « pêche durable »
Le 21 octobre 2011, le groupe Front national présentait en Séance plénière une motion de soutien à la pêche artisanale. On pouvait y apprendre que le FN « ne cesse de plaider pour une pêche durable, inscrite dans des circuits courts, pour une consommation au plus près des lieux de pêche ». Cette motion aux accents écologistes était un prétexte à l’opposition entre pêche artisanale française et pêche industrielle étrangère (en l’occurrence belge et néerlandaise).
Un mois plus tard, le Front national s’abstenait en Commission permanente sur une délibération en faveur de l’Association France Pêche Durable et Responsable. Pour la cohérence, on attendra.
Ils ont voté contre au Conseil régional Nord Pas de Calais
Le groupe Front national s’oppose systématiques au financement de deux organismes :
– La MRES (Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités), qui compte une centaine d’associations intervenant dans les domaines de la nature, de l’environnement (protection, sensibilisation, éducation), des solidarités et des droits de l’Homme.
– Le CERDD (Centre Ressource du Développement Durable), dont la mission est de promouvoir les dynamiques territoriales durables et de sensibiliser au développer durable dans la région Nord Pas de Calais.
Ils s’abstiennent ou s’opposent quasi systématiquement aux délibérations Environnement, et, chose étrange, ont même voté contre une évaluation de la lutte contre le changement climatique en février 2012 !