Les élus du Front National cherchent maladroitement à s’attirer les faveurs du monde paysan. Pourtant, ils ont du mal à cacher leur manque de compétence sur la question.
Des études d’opinion ont montré que le Front National progressait dans certaines régions de France chez les agriculteurs. Cela n’a pas échappé aux conseillers régionaux d’extrême droite présents à l’assemblée de Rhône-Alpes qui semblent vouloir caresser cet électorat dans le sens du poil.
Gratitude et complaisance
Ainsi, alors que par ailleurs ils reprochent à la Région d’intervenir hors de ses compétences de base, la délibération d’orientation de la politique agricole a été l’une des rares à recueillir leur vote positif. En décembre 2011, Christophe Boudot se félicite complaisamment de ce « vote de bon sens qui nous a d’ailleurs valu la gratitude de nombreux agriculteurs qui, lassés des promesses non tenues du gouvernement, rejoignent désormais en masse le Front National. » Fort heureusement, ce n’est pas le vote du groupe FN qui a permis à la Région de mener des actions en faveur de l’agriculture. Il n’y est pour rien. Il n’a d’ailleurs quasiment pas participé aux débats en commission qui ont précédé.
Peu importe, notre conseiller s’empresse de reprendre à son compte, croit-il, les angoisses du monde rural : « J’ai la crainte que les directives de Bruxelles de plus en plus contraignantes et les revendications politiques toujours plus pressantes du groupe écologiste ne bousculent et remettent gravement en cause l’excellence, l’équilibre, la croissance et la liberté du monde agricole. » L’Europe, les écologistes sont donc les boucs émissaires de la circonstance.
Egorgement
De là à dire que les immigrés y sont pour quelque chose, il n’y a qu’un pas que Christophe Boudot franchit avec brio dans ce débat autour d’une délibération soutenant les abattoirs de proximité destinés à soutenir les filières d’élevage locales : « Nous avons tous ici en mémoire ces moments de fêtes rituelles où certains quartiers se transformaient durant plusieurs jours en véritable zones d’égorgement à ciel ouvert. »
Mais la haine revenue au galop cache mal une incompétence évidente sur les questions agricoles. En octobre 2011, lors du débat sur la politique foncière proposée par Gérard Leras (EELV), Bruno Gollnisch invite les paysans à décapitaliser leurs propres exploitations : « Au lieu de geler la terre, l’agriculteur pourrait la vendre ou, s’il n’est pas propriétaire du fonds, s’entendre avec le propriétaire et partager avec lui les fruits de cette vente. Il retirerait de cette vente partielle un profit substantiel lui permettant d’alléger la charge de sa dette, de faire face aux aléas d’une mauvaise récolte ou d’un abaissement des cours ou de réaliser de nouveaux investissements. » Ce que propose M. Gollnisch, c’est le cauchemar de tout exploitant qui souhaite le rester : être contraint de céder à la pression foncière pour vendre ses terres en terrain à bâtir. Le FN entend-il défendre les agriculteurs en encourageant la fin de l’agriculture ?