Monsieur Lamprière,
Votre campagne associative a voulu attirer mon attention et celle d’Europe Ecologie Les Verts, tant sur les engagements de la France vis-à-vis de l’Aide publique au développement que sur la question de la taxe sur les transactions financières.
Comme vous l’indiquez, la France s’est engagée à consacrer au développement des pays les plus pauvres 0.7% de son Revenu National Brut (RNB), ceci d’ici 2015. Face à la crise économique, la résignation gagne les responsables politiques qui, de gauche à droite, estiment que cet objectif est irréalisable dans la crise économique et financière actuelle. Pourtant c’est faux. L’expérience le montre, les Pays-Bas et la Grande Bretagne, dont pourtant les économies souffrent de la crise financière, se sont fermement engagés à atteindre ce fameux pourcentage. La France ne saurait-elle faire autant ? Ainsi, si je suis élue Président de la République, je promets que la France honorera cet engagement d’ici 2015, comme promis à l’ensemble de la communauté internationale.
Toutefois, si l’APD reste un outil primordial pour financer efficacement la solidarité internationale, la France doit changer d’échelle en se dotant de mécanismes innovants, stables et prévisibles permettant de financer des politiques de développement à long terme. Elle a su montrer l’exemple dans le passé par l’instauration d’une taxe sur les billets d’avion en 2005 suite à la publication du rapport Landau.
J’ai personnellement défendu auprès de mes partenaires européens l’instauration d’une taxe sur les transactions financières afin qu’elle soit un véritable outil de lutte contre la spéculation et surtout qu’elle dégage des ressources financières considérables permettant de répondre à l’appauvrissement grandissant et aux effets dévastateurs du changement climatique dans les pays en développement.
Le gouvernement français a fait voter un projet de taxe unilatérale sur les transactions financières. Durant deux ans, de Copenhague au G20 de Cannes, le Président de la République Nicolas Sarkozy a sillonné les continents, défendu corps et âme, une taxe ambitieuse qui devait profiter à la solidarité internationale et au changement climatique. Aujourd’hui, le revirement du gouvernement français n’en est que plus brutal. L’assiette s’est réduite en peau de chagrin, excluant la taxation des produits dérivés les plus nocifs et à la source de la crise déclenchée en 2008. La rondeur du milliard dégagé par cette taxe ne doit pas cacher qu’elle pourrait rapporter 12 fois plus selon les experts. Surtout, les déclarations de Nicolas Sarkozy face aux pays en développement ne resteront que des mots.
Pourtant, une aide renouvelée à la solidarité internationale est aujourd’hui plus qu’indispensable. Ainsi, alors que les scientifiques viennent de trouver le moyen de débarrasser la planète du sida, pour un coût inférieur à 0,05% du PIB des 7 pays les plus riches, on nous explique que rien n’est plus possible, car les caisses seraient vides. D’évidence, elles ne sont pas vides quand il s’agit de venir en aides aux banques flambeuses, ou de faire la course aux dépenses militaires. Surtout, nous avons besoin d’une véritable taxe sur les transactions financières afin d’enrayer l’auto-alimentation de la spéculation financière, cette machine à affaiblir l’économie réelle.
Je m’engage ainsi à créer une véritable taxe sur les transactions financières, ceci tant au niveau français qu’européen, dont les taux et l’assiette permettront de contribuer à réduire la spéculation financière et à initier un système de redistribution des richesses au niveau international au profit des pays en développement. Concernant la TTF française, je promets de l’élargir à l’ensemble des transactions financières et d’augmenter son taux afin de financer de manière pérenne et additionnel le développement et la lutte contre les désastres du changement climatique. Concernant la TTF européenne, je m’engage à soutenir son instauration au niveau d’une coalition des pays pionniers. Si certains Etats Membres continuent leur tentative de blocage, je joindrai la France à un quorum de pays, notamment ceux de la zone euro, demandant le passage de cette taxe en procédure de coopération renforcée, et je me battrai pour que l’Europe transforme cette taxe en une occasion historique de réparer la mondialisation.
La France peut et doit continuer à soutenir une politique de développement ambitieuse et des réponses efficaces face au changement climatique. Si je suis élue Présidente de la République, je m’y engage.
Au cas où vous solliciteriez de plus amples éclaircissements sur la question, mon conseiller sur les questions économiques et sociales, Pascal Canfin, est disponible pour vous rencontrer.
En espérant avoir répondu à vos interrogations, je vous prie d’agréer mes sincères salutations.
Eva Joly