Madame, Monsieur,
Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre livre blanc. J’espère sincèrement que votre travail permettra de mettre le thème de la jeunesse au cœur de la campagne présidentielle et du prochain quinquennat, au-delà des simples affichages.
Je sais que la crise a eu des répercussions fortes sur les conditions de vie et d’étude de nombreux lycées. Je sais aussi qu’il serait trop facile de tout mettre sur le dos de la crise, quand le gouvernement a conduit une politique injuste et mis à mal de nombreux services publics dont l’école.
Avant de commenter certaines de vos mesures, je tiens aussi à vous féliciter pour leur mode d’élaboration, qui leur donne une valeur particulière à mes yeux de démocrate : la votation lycéenne.
Je crois dans le pouvoir de la démocratie, de la coopération. Je ne veux pas de l’école de la compétition, et je ne veux pas non plus de l’école autoritaire. Je ne veux pas faire des lycées des moutons. Je veux des citoyennes et des citoyens libres, émancipés, avec un fort esprit critique. Car je fais confiance à la jeunesse, je ne veux pas la brider. J’ai besoin de son énergie, de sa créativité, de son imagination. De ses rêves. C’est pour cette même raison que j’accueille favorablement vos propositions relatives au droit de vote à 16 ans ou au renforcement et à l’application des droits des lycées.
Je souhaite également insister sur l’évolution du baccalauréat que vous appelez de vos vœux. Pour les écologistes, l’objectif est d’évaluer réellement les compétences et les connaissances qui doivent être celles de citoyens et de citoyennes du XXIe siècle. L’obtention du baccalauréat s’appuierait sur la validation d’unités capitalisables, dans le cadre d’un système modulaire permettant à chaque lycéen de construire son parcours. Elle nécessiterait également la présentation de travaux d’équipe et la passation d’épreuves transdisciplinaires incluant un travail de recherche documentaire. Cette évolution est en cohérence avec la réforme pédagogique du lycée que vous souhaitez.
Concernant la formation des enseignants, je propose une formation de deux ans après le concours et avant la titularisation. Cette formation doit se faire en alternance entre des lieux d’enseignement, avec progressivement observation, pratique accompagnée, stage en responsabilité. Je propose aussi que lors de la première année, les stagiaires puissent accompagner des élèves dans l’aide aux devoirs, travailler avec des associations d’éducation populaire, suivre des élèves handicapés pendant une journée, préparer une rencontre sportive, un voyage scolaire, réaliser avec des élèves une exposition ou un concert…
Si je vous rejoins sur les effectifs des classes, l’amélioration du système d’aides sociales ou le mise en place des Pass’ transport, santé et culture, je voudrais insister sur votre demande de réforme de la carte scolaire. Je veux faire de la carte scolaire la carte de la cohésion sociale. Pour cela, elle doit être réformée selon le principe simple de mixité sociale maximale. Dans chaque bassin de vie, la carte scolaires sera repensée afin d’assurer le maximum de mixité sociale, en associant dans une même zone des quartiers centraux et périphériques, et le minimum de temps de déplacement pour les élèves. Dans le public, comme dans le privé.
Enfin, si je considère qu’une réforme des rythmes scolaires similaire à celle que vous préconisez est indispensable pour alléger les journées des élèves, je ne pense pas que cela pourra se faire sans diminuer la durée des vacances. Ou alors, il faudra sacrifier certaines matières… mais quelles sont celles qui méritent ce traitement ? Pour la réduction éventuelle des vacances d’été ou le zonage des vacances d’été, il doit y avoir une large concertation avant une décision législative.
Pour poursuivre cette discussion, j’ai demandé à mes conseillers jeunesse, Karima Delli députée européenne et Stanislas Mendy, de prendre contact avec vous. J’espère que cette réunion pourra avoir lieu dans les meilleurs délais.
Avec toute mon amitié
Eva Joly