Visite des récents aménagements dans le bois de la citadelle

VISITE D’OBSERVATION DES NOUVEAUX AMÉNAGEMENTS DES ESPACES NATURELS DES BOIS DE LA CITADELLE

Le samedi 2 Mars 2013, en compagnie des conseillers régionaux Emmanuel Cau et Janine Petit ainsi qu’avec Alain Villain, géologue et biologiste avec lequel nous avions, en Juillet 2010, constaté la grande qualité de la biodiversité de la faune et que la flore sur les sites naturels de la citadelle d’Arras.

Voici quelques propos entendus pendant la promenade à partir du Parc jean Zay. (prise de notes : Chantal Sergeant)

A propos des peupliers abattus le long du Crinchon dans le Parc (désormais intégré dans le plan d’aménagement) :  » il s’agit de peupliers d’Italie, véritables  » maïs  » qui en 25 années atteignent une hauteur importante. Si le peuplier noir est à conserver, on ne doit pas regretter les peupliers de cette allée, ce ne sont pas des arbres de grand intérêt quant à la qualité du bois. Ils peuvent être très utiles en fond de vallée car ce sont de véritables pompes à eau comme les saules et le frêne (espèces hydrophiles).  » On observe des perce-neiges qui, si elles sont communes dans le Nord de la France, sont rares au niveau national. Le sureau envoie des toxines pour tuer les arbres et prendre toute la lumière, c’est donc une espèce à réduire mais pas à éliminer car il est utile à l’avifaune et participe à la diversité biologique des lieux.

Alors qu’on observe des dépôts de bois coupés laissés en place sur divers espaces à l’entrée du bois de la citadelle :  » C’est bien de rajouter de la biomasse, mais il ne faut pas en mettre partout comme ça, pas là au milieu. S’il est important de remettre du carbone, il faut prêter attention au sol potentiellement riche ici et ne pas trop changer le milieu quand on réorganise un espace naturel. S’il y a des perce-neiges, il y a d’autres plantes florales qui apparaissent au cours des saisons. Passer avec un engin compacte le sol et donc l’asphyxie. On voit ici des ornières profondes. Le débardage intelligent, c’est celui qui est organisé avec des chevaux de trait. Quand les chevaux buttent sur un obstacle ils s’arrêtent tandis que les engins tractés passent partout en force. Les pas des chevaux ne détruisent pas le sol. On observe que toute une strate de végétaux couvre-sol n’existe plus.  »

A ce moment de la promenade on aperçoit 4 chevreuils qui courent plus loin. Alain Villain dit en observant les abattages d’arbres dans le bois :  » On peut ici qualifier les coupes d’arbres de  » coupes drastiques « . Dans les jardins avoisinants, les habitants ont observé cet hiver l’arrivée de geais, de pic-épeiches, de pinsons du Nord, de pies à la recherche de nouveaux refuges et de nourriture.  » Un bois c’est une strate arbustive, des arbres et aussi des lierres et tout le couvre-sol. C’est donc 3 strates qu’il faut préserver. Là il n’existe plus que des arbres, donc on déséquilibre profondément le milieu, il faut travailler dans la dentelle surtout quand on a la chance d’avoir un milieu de cette qualité. Moi, je n’aurais pratiquement rien fait   » dit Alain Villain.

 » Garder les dénivelés, les coulées, c’est important car c’est là que l’eau peut s’installer et favoriser la venue de batraciens. Eliminer quelques sureaux c’est bien mais obtenir un terrain plat qui ne présentera plus qu’une strate au lieu de trois, fragilise le milieu. Si on piétine les lierres ils peuvent disparaître. On protège un milieu riche en replantant en bordure et en déposant des bois morts ce qui empêche les promeneurs de pénétrer en profondeur. Les creux et les bosses sont importants pour la diversité biologique.  »

 » Normalement dans ce que le Conseil Régional a financé, on doit voir planter des pruneliers et des essences locales. On peut aussi ajouter des fusains d’Europe qui enrichissent la biodiversité existante. On avait observé en 2010 la plantation naturelle de noyers par les écureuils, les chênes sont plantés par les geais. Seules les graines les mieux exposées donneront un bel arbre, il pourra s’épanouir correctement car de façon naturelle il aura évolué dans le meilleur espace.  »

 » On a l’impression que dans un projet d’aménagement il faut qu’on voit bien qu’on travaille. Il faut montrer aux gens qu’on fait quelque chose ! Pourtant par exemple un élagage bien fait peut passer inaperçu. Ici ce que l’on voit, se sont des coupes rases.  »

Nous restons un moment devant un arbre mort debout. Aujourd’hui on connaît la grande utilité des bois morts.  » Il n’y a pas plus vivant que le bois mort  » dit Alain Villain.  » Si on prend une bûche de bois vivant, elle est beaucoup plus légère qu’une bûche du même bois mort. La masse différente c’est la vie qui y s’est développée. Le bois mort au sol est une usine à humus, à matières organiques. Un tronc se dégrade d’abord par l’écorce, puis l’aubier et enfin le cœur. Ce qui a le plus disparu en Europe de nos jours ce sont les insectes qui mangent le bois et donc le recyclent (xylophages, saproxylophages). Les fouilles archéologiques ont dénombré les espèces sur 3000 ans, on a donc pu établir des comparaisons. Ces insectes interviennent successivement, de façon ordonnée, dans la dégradation du bois mort, il en est de même pour les champignons lignicoles qui colonisent les bois morts dont on peut observer jusqu’à une cinquantaine d’espèces différentes (d’abord l’amadouvier qui s’installe, et à la fin de la dégradation ce sont les clavaires). On a remarqué que le mycélium d’un champignon pouvait monter dans le tronc creux d’un arbre mort et le tapisser d’une sorte de dentelle de fortification intérieure, assurant une meilleure stabilité du tronc. (Ce principe est aujourd’hui décliné dans la construction de cheminées d’évacuation). Les arbres morts sont utiles aux Pics verts, aux Pics épeiches, et aux Sittelles. Ces oiseaux creusent des cavités qui serviront de nids. Ce sont des perchoirs pour les rapaces. Des panneaux informatifs sont nécessaires car les promeneurs ne comprennent pas toujours l’utilité de laisser en place un arbre mort. Il faut aussi préciser qu’il peut y avoir, par grand vent, un danger de chute.

Plus loin sur un sentier nous observons une lisière de quelques mètres. Emmanuel Cau dit :  » On peut imaginer y trouver une agriculture bio, ou de l’agroforesterie. On a des effets de lisière, deux sortes de milieux, on aurait là un potentiel de biodiversité extraordinaire.  » –  » Les lisières sont les parties les plus riches d’un milieu biologiquement. On a la vie de l’intérieur du boisement, la vie du champ ouvert et une vie spécifique aussi de la lisière elle-même. C’est une interface, et plus une lisière est échancrée, plus elle présente de diverticules, plus elle est riche en niches écologiques.  » dit Janine Petit.  » On trouve une strate herbacée, la strate arbustive et la strate arborée.  »
Une autre lisière près du champ : là, Emmanuel Cau verrait bien planter des pruneliers, des ronces (on aurait des mûres). On peut aussi y ajouter des arbustes avec des ronces : une protection naturelle du milieu et qui offre aux promeneurs des fruits à cueillir !

Nous sommes maintenant devant le plan d’eau artificiel aménagé depuis peu dans une partie de la clairière naturelle d’origine. Depuis de nombreuses années des chevreuils s’y arrêtent à la tombée du jour, ou la traversent dans la journée. Le point d’eau a été dessiné creusé et bâché, la terre des marais de Fampoux a été amenée sur zone. Emmanuel Cau dit :  » Dans le projet connu au Conseil Régional, il y avait la volonté de développer les milieux humides dans l’aménagement de ces espaces naturels.  » Hélène signale que l’on s’étonne ici d’un point d’eau créé artificiellement alors que le site de la citadelle est précisément environné de cours d’eau.  »

Trois chevreuils passent derrière les arbres du fond. Pour le moment l’espace autour du point d’eau est nu, la crainte qu’on peut avoir c’est que les habitants déposent dans ce plan d’eau des poissons, des tortues de Floride dont ils veulent se séparer ou s’y installent pour un pique-nique. Pour le moment l’endroit est complètement accessible. (Depuis la visite on a observé qu’un feu de bois a été allumé en haut du point d’eau et qu’une partie des arbustes plantés a été arrachée ou écrasée par piétinement).

Laure Olivier, élue EELV, ajoute :  » au niveau des douves de la citadelle, il y a une zone où on trouve du poisson. Dans les autres zones, il n’y a à priori pas de poissons ni de canards et c’est là qu’on trouve les tritons, les amphibiens. Il faut espérer qu’il n’y aura pas de connections dans le futur entre ces zones, pas de canards et de poissons partout « . Le projet veut favoriser la protection de la faune sauvage en limitant désormais son territoire pour ouvrir un espace à l’écart de l’homme. Emmanuel Cau dit :  » Je ne dis pas que c’est bien. Sur le papier, faire venir les animaux ici plutôt que là où ce serait gênant… pourquoi pas ? Mais c’est vrai que visuellement pour le moment ça fait mal. On peut s’interroger sur la question de détruire un champ en pleine ville en terme de bénéfice climatique. Si on y trouve de la culture bio et de l’agroforesterie, on a de l’agriculture en ville et on exprime d’autres formes de biodiversité. Si pour les chevreuils ou pour les autres animaux, ça pose problème quand ils vont boire ailleurs, alors la décision est de les faire boire ici, un peu plus à l’écart et alors on transforme la prairie d’origine. Ramener de la terre des marais va produire une flore sans intervention, en effet, la terre rapportée des marais est une véritable banque de semences « .

Concernant le plan d’eau Alain Villain apporte ces informations :  » Normalement quand on creuse un plan d’eau comme ça, il faut faire des trous à gel à plus d’un mètre de profondeur de manière à ce que s’il gèle très fort, des animaux puissent s’y réfugier. Il est utile aussi de prévoir des îles pour tranquilliser les nichées éventuelles.  » En écologie, il faut tout faire varier, les hauteurs, l’hygrométrie, l’exposition au soleil. Si la pente douce est bienvenue, on note qu’il aurait fallu méandrer davantage le tracé du plan d’eau. Plus la courbe est compliquée, plus on trouve d’archipels, de petites avancées susceptibles d’offrir des refuges diversifiés pour toute sortes d’insectes et de petits animaux (par exemple des batraciens). Le piétinement des chevreuils qui viendront se désaltérer modifiera les bords de façon naturelle et ce sera favorable à la diversification des refuges et donc à la biodiversité. Est-ce que c’est bien de déplacer le point d’eau ? C’est difficile à dire !  »

On note que celui-ci se trouve largement au-dessus des sources, il ne sera pas alimenté naturellement. Alain précise que  » les renards sont utiles à la limitation du nombre de rats musqués car ils se nourrissent des plus jeunes. Ce point d’eau semble trop artificiel, c’est une réalisation de paysagiste et des nuisances peuvent s’installer s’il reste facilement accessible pour les promeneurs.  »

Nous arrivons au niveau de la clôture qui enferme désormais l’espace refuge pour la faune sauvage. Entre cette zone et la voie de promenade, nous observons qu’une bande de quelques mètres de nature a été éliminée (arbustes, plantes couvre-sol…) et que devant le grillage ont été replantées des jeunes pousses d’arbustes. L’idée est d’empêcher les promeneurs de pénétrer dans cette partie du bois. Janine remarque :  » Ça revient à séquencer la nature sauvage et la partie de nature réservée au public. Et là, il n’y a plus de trame verte, plus de continuité  » . Alain se pose la question de savoir comment les chevreuils peuvent entrer dans cette zone qui leur est réservée ? Emmanuel Cau dit :  » Nous, ce qu’on a financé au Conseil régional, ce sont des haies défensives pour rendre impénétrables certaines zones de protection pour la faune, et le cas échéant, des barrières de bois s’il faut dans un premier temps empêcher la pénétration. Ce qu’on voit ici c’est un grillage ! Si c’est provisoire, c’est dans l’attente que la haie d’arbustes récemment plantée (houx, églantiers …) ait pris de la hauteur.  »

Sur le sujet du grillage, quand Laure a demandé aux services de la CUA si le grillage pouvait être remplacé par du bois, la réponse fut négative. Comme Janine, Alain dira :  » Il n’y a pas d’écologie là-dedans, c’est un truc de paysagiste !  » Janine ajoute :  » Il faudrait rajouter des arbustes défensifs, et en quinconce. Ici on a un alignement en rang d’oignons. Pourquoi avoir enlevé toute cette nature devant ? Qu’est-ce qu’on va y faire ?  » Avoir dégagé cette zone est un non sens écologique. 

Suite à la mort d’un chevreuil cet hiver, qui par 4 fois a essayé de passer cette clôture, nous avons interpellé les services en charge de cet aménagement qui ont ouvert des espaces dans la clôture à plusieurs endroits remplaçant le grillage dans sa partie supérieure par 2 fils de fer tendus qui limitent 2 espaces de 40 cm environ dans lesquels les chevreuils sont supposés pouvoir s’élancer ! Chacun se pose la question de savoir comment c’est possible.  » C’est le parcours du combattant pour le chevreuil !  » –  » Ca semble vraiment compliqué  » –  » Une vraie guillotine à chevreuil !   » –  » C’est pas possible  » dira Janine et elle fait l’expérience de passer elle-même entre les fils tendus (le photographe de la Voix du Nord immortalisera cet instant).

Conclusion :  » aucun chevreuil ne peut passer de cette manière !  » (depuis cette visite nous avons appris la mort d’un second chevreuil) – Emmanuel Cau estime que si on supprimait complètement ces 2 fils en haut du grillage, les chevreuils pourraient passer et le reste de la hauteur suffirait à empêcher la pénétration des promeneurs.  » On a là un projet purement intellectuel  » dira Alain. Il n’y aucun passage ouvert. Les chevreuils qui ont toujours pénétré ce bois sont stoppés dans leur course par cet aménagement. Et de fait les habitués de l’endroit signalent que depuis la pose de la clôture, on voit moins souvent de chevreuils dans ce bois.

Nous quittons l’endroit et Alain continue à partager ses connaissances :  » S’il y a des chevreuils, alors il y a des coléoptères  » bousiers « . On sait que le bousier va directement et rapidement se servir des déjections dont il fabrique des petites boules, à son terrier, sur une ligne la plus droite possible. Il ne perd pas de temps. Or, des scientifiques viennent de prouver dans un planétarium, qu’il se repère avec la lune, sinon avec la voie lactée. La pollution lumineuse nocturne dans certaines régions a pour effet d’obliger les bousiers à chercher leur direction sans pouvoir distinguer les étoiles. Ils font des kilomètres inutiles.

Alain remarque une  » renouée du japon « , il explique à ce sujet que c’est une des plantes les plus invasives, une véritable prédatrice dans la nature qui empêche tout autre plantation de se développer autour d’elle. Bénéficiant ainsi de toute la lumière, elle se développe au détriment d’autres espèces. Originaire des pentes volcaniques du Japon et de la Corée, la plante a été introduite en Europe par un botaniste au 19ème qui pensait pouvoir procurer un nouveau légume aux populations car cette plante se cuisine au Japon. Un seul morceau de la renouée qui tombe sur le sol humide produira un nouveau plant. Il suffit d’avoir coupé une renouée avec un engin mécanique et de ne pas l’avoir nettoyé correctement pour la disperser partout ensuite (bord autoroutier, périphérique). Il semblerait qu’un noyer planté tout près pourrait l’asphyxier, car il est très toxique à cause de la juglone qu’il contient. Ce sont ces espèces de plantes envahissantes qui représentent aujourd’hui la deuxième cause de diminution de la biodiversité sur notre planète. Aucun animal ne la mange sauf la chèvre des fossés. Alain ajoute que sur le site du Louvre Lens il y avait 5 ou 6 renouées. Elles ont été enlevées avec une Poclain, les larges trous ont été remplis de chaux et la dalle du musée a été coulée dessus.

Emmanuel Cau dit :  » Il existe peu d’espaces naturels comme celui qu’on observe ici aujourd’hui, dans les zones urbaines. Le problème c’est qu’il y a vite une sur-fréquentation des lieux. Il faut donc préserver ce qui existe. L’idée de faire des zones refuges pour la faune sauvage est nécessaire pour la tranquillité des animaux, la reproduction, les naissances, c’est d’ailleurs financé par le Conseil Régional. Après il y a un travail de sensibilisation, de pédagogie à faire « . Janine ajoute :  » On doit absolument éviter l’arrivée d’engins motorisés dans ces espaces de promenades (danger de voir arriver comme à St Amand, des quads, des scooters…). Pour empêcher cela, il faut faire des espaces de fixation extérieurs (zone réservée à de activités particulières qui seront donc contenues).

Quand on observe les aménagements faits ici, on se dit qu’il est grand temps de mettre en place des formations dans la taille des arbres, l’entretien des haies et des bandes boisées pour que la trame verte et bleue soit durable.  » (Depuis la visite un quad a été aperçu dans le bois de la citadelle)